Entretien avec Pascal Beria, rédacteur en chef de TANK

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Pascal Béria éditorialisation contenuPascal Béria est consultant éditorial indépendant spécialiste du contenu, des techniques narratives et de leur évolution au sein de la sphère digitale. Il est également rédacteur en chef de la revue TANK et auteur du livre La révolution des contenus. 

Quel navigateur digital êtes-vous ? Les sites sur lesquels vous vous plaisez à naviguer

Essentiellement les sites de contenus et d’information. Je me ménage des temps d’errance sur Internet et j’aime circuler de site en site sans forcément chercher une information précise. De par mon métier, je demeure toutefois attentif à tout ce qui a trait au numérique et aux nouveaux modes de narration.

J’apprécie particulièrement les dossiers du site Meta-Media.fr et le travail réalisé par RSLN.fr dans ces domaines.

La dernière sirène (campagne) qui vous a interpelé(e) 

Pas grand-chose, à vrai dire. Je suis un adepte des marques qui ne parient pas sur des « coups » publicitaires, mais qui parviennent à installer un véritable territoire de communication et à développer une relation privilégiée avec leurs clients. Loin des « sirènes » du contenu de marque dont on ne cesse de nous rabâcher les oreilles, je suis toutefois partisan du fait que les entreprises ont aujourd’hui un rôle et d’une responsabilité sociale et pédagogique.

Contre quel(s) courant(s) résistez-vous ? 

De nombreux ! Et notamment celui des dogmes, quels qu’ils soient…

À l’inverse, par quel vent digital vous laisseriez-vous volontiers porter ?

Par les nouveaux modes de narration ! Le numérique a permis un enrichissement tout à fait exceptionnel de la manière dont il est aujourd’hui possible de raconter les histoires. Les techniques de transmedia storytelling, les projets de web-documentaires ou même les contraintes fixées par un service comme Twitter ouvrent aujourd’hui un champ des possibles inédit en termes de techniques narratives. C’est intellectuellement très réjouissant…

2025, Odyssée des contenus ! A quoi ressembleront-ils dans 10 ans ? 

Tout porte à croire que nous allons vers toujours plus de contenus sous toutes leurs formes, de la plus simple, c’est-à-dire sous la forme de data, à la plus élaborée avec des technologies de plus en plus poussées. L’émergence des objets connectés risquent d’accroitre encore ce volume de contenu qui devient aujourd’hui insoutenable.

Deux choses se déduisent de ce constat pour les années à venir :
– Nous rentrons aujourd’hui dans l’ère du zettaoctet de données produites et stockées, soit un volume équivalent à mille milliard de Gigaoctet. Ce volume continue à augmenter de façon exponentielle. Un peu à la manière de nos déchets industriels, la question va rapidement se poser de l’archivage et du retraitement de ces données stockées, avant que nous soyons submergés par nos propres contenus.

– Il existe une tension grandissante entre le monde de la production de contenus et celui de son exploitation, qu’elle soit faite par les médias ou par les marques. On n’a jamais autant parlé des enjeux liés aux contenus, de l’émergence du brand content et du content marketing.

Mais parallèlement à cela, on assiste à une dépréciation grandissante du travail de production de contenu. La faute en incombe notamment au fantasme de la gratuité de l’information sur le net, des contributions spontanées sur les réseaux sociaux et à une démocratisation des technologies de production audio-visuelles.

Du coup, le travail de production de contenu n’est plus valorisé comme il se doit. On peut même parler d’une forme de prolétarisation des producteurs de contenus. C’est la raison de la profonde crise dans laquelle est plongé le monde du journalisme mais aussi de l’appauvrissement des contenus d’information que l’on constate tous les jours sur tous les médias. On assiste donc à cet étrange paradoxe d’un contenu qui n’a jamais été aussi crucial, mais qui, dans le même temps, n’a jamais été aussi peu estimé. Il faut que les professionnels comprennent que produire du contenu n’est pas un simple passe-temps. On ne peut pas produire du texte, de l’image ou du reportage au kilomètre. C’est un travail qui demande des compétences, une réflexion, une expertise. Bref un travail qui se rémunère à sa juste valeur.

Votre job « next génération » : ce qui va révolutionner votre métier dans les prochaines années ? 

Je ne sais pas si c’est une révolution, mais je crois que l’image, et plus largement l’audio-visuel, est en passe de devenir le média essentiel de communication. C’est à la fois un format d’entertainment et d’expertise qui correspond bien à la logique de consommation du contenu telle qu’elle existe aujourd’hui et qui est rendue abordable avec un matériel de production et de diffusion de moins en moins lourd et de moins en moins couteux. Ca ne veut pas dire pour autant que l’écrit va disparaitre. Mais sa part de marché, si je puis dire, va aller en diminuant.

Votre Nord, votre conviction… en matière de communication digitale ? 

L’importance de l’éditorialisation ! C’est-à-dire la capacité à organiser, hiérarchiser, enrichir les contenus. Les rendre intelligibles, homogènes, harmonieux. Il existe un travail de plus en plus nécessaire de design de l’information. C’est une chose pour laquelle je me bats depuis longtemps.

La profusion des contenus dans laquelle nous baignons rend cette éditorialisation encore plus cruciale aujourd’hui et voit l’émergence de nouveaux métiers comme le data-design, la stratégie de contenus, la story-architecture ou l’UX. C’est une opportunité !

 

 

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