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Agilité transformation digitale

Oubliez la stratégie, adoptez l’agilité !

En ce début d’année, Les Navigauteurs vous invitent à découvrir, à travers un article de Michael Wade paru dans Straitstimes.com, un mode de management très à la mode : l’agilité

 

Le monde des affaires évolue rapidement, les organisations doivent s’adapter.

Mo Farah est un athlète extraordinaire. Au cours de sa carrière, il a remporté des doubles médailles d’or aux courses de 5 000 m et 10 000 m des Championnats d’Europe, des Championnats du monde et des Jeux olympiques. Interrogé sur la recette de son succès, il donne une réponse simple : « L’entraînement ! Il suffit de mettre le paquet sur l’entraînement ».

En réalité, bien sûr, le succès d’un athlète comme Farah est dû à une grande variété de facteurs, y compris l’aptitude naturelle, la stratégie de course, la préparation et l’exécution.

Les organisations, elles aussi, doivent établir un équilibre entre différentes priorités pour être compétitives ; cependant, elles sont confrontées à bien plus d’incertitude qu’un athlète comme Farah. Une course est un événement bien défini. Le lieu, l’heure de départ, la distance, les concurrents et la conception de la piste sont tous connus à l’avance. Les « règles du jeu » pour l’entreprise, cependant, deviennent de moins en moins claires.

 

DES RÈGLES DU JEU PEU CLAIRES

Ce manque de clarté a un impact profond sur l’efficacité des stratégies traditionnelles. La plupart des professeurs en stratégie (y compris moi-même) décrivent la stratégie comme une cascade de choix sur des questions telles qu’où jouer et comment gagner. Une bonne stratégie repose sur l’utilisation de données et d’analyses solides visant à mieux comprendre votre position actuelle et à fixer une position future à atteindre, puis sur la conception d’un plan pour avancer de l’une à l’autre. Je suis fermement convaincu que ce modèle fonctionne. Ou, du moins, qu’il a fonctionné.

Mais aujourd’hui, je ne suis plus si sûr que ça soit le cas, pour une raison très simple : le monde des affaires évolue tellement vite que prédire à quoi ressemblera le marché à l’avenir devient de plus en plus difficile.

Combien de sociétés de taxi avait intégré la montée en puissance de Uber à leurs processus de planification stratégique ? Et pourquoi Volkswagen met autant de temps pour réagir face à sa crise des émissions ? Dans un monde en constante évolution, une stratégie à long terme peut facilement devenir une entrave enfermant une entreprise sur une voie qui n’est plus pertinente.

Aujourd’hui, les éléments clés du succès ne sont pas les plans et les aspirations, mais l’agilité et les capacités. Des capacités (ou l’accès à des capacités) sont nécessaires pour livrer une concurrence efficace dans une position donnée, et l’agilité est incontournable pour faire évoluer cette position en réponse aux mutations constantes de l’environnement.

Pour en revenir à notre athlète, Farah réussit parce qu’il est rapide, mais aussi parce qu’il s’adapte à la cadence d’une course.

Agilité numériqueIl est maître du positionnement, et il met tout en œuvre pour être le premier sur la ligne d’arrivée. Parfois, il gagne dès le départ, mais, plus souvent qu’autrement, il remonte depuis l’arrière pour prendre la tête au dernier tour.

Farah a des capacités phénoménales, mais une agilité limitée. Il peut être capable de s’adapter à la dynamique changeante d’une course, mais il serait complètement perdu s’il devait rivaliser en saut en hauteur, sur un vélo ou sur un court de tennis.

Une forme extrême d’agilité est nécessaire pour les organisations à mesure qu’elles s’approchent du cœur du tourbillon numérique, un environnement caractérisé par des turbulences fortes sur le marché et des frontières floues entre les secteurs.

Au Centre mondial pour la transformation numérique des entreprises, une initiative de l’International Institute for Management Development (IMD) et de Cisco, nous définissons cette forme d’agilité extrême comme l’agilité numérique des entreprises (ANE).

L’ANE est composée de différents éléments : l’hyper-attention, la prise de décision éclairée et l’exécution rapide.

L’hyper-attention est la capacité d’une entreprise à détecter et suivre les évolutions de son environnement d’affaires. Les organisations doivent être en mesure d’identifier les opportunités et les menaces lorsqu’elles apparaissent. La plupart des entreprises ne sont hyper-attentives qu’à elles-mêmes ! Souvent, elles luttent pour comprendre les dynamiques changeantes propres à leurs secteurs. On a beaucoup écrit sur les dangers de complaisance organisationnelle, et celle-ci commence par un manque d’hyper-attention. Toutefois, l’hyper-attention n’est utile que si les données et informations obtenues sont employées de façon productive.

La prise de décision éclairée est la capacité d’une entreprise à prendre la meilleure décision possible dans une situation donnée. Pour ce faire, les données et informations doivent être analysées, mises à l’échelle, conditionnées et diffusées dans l’ensemble de l’organisation. La transparence des données, des systèmes informatiques stables, des analytiques avancées et une culture du partage de connaissances jouent des rôles importants à cet égard.

Enfin, des décisions éclairées créent de la valeur uniquement dans la mesure où elles peuvent être mises en œuvre. L’exécution rapide est la capacité d’une entreprise à mener à bien ses plans rapidement et efficacement. C’est là-dessus que la plupart des organisations éprouvent le plus de difficultés. La capacité d’exécution rapide exige une volonté d’expérimenter et une tolérance à l’échec.

Le rôle traditionnel de la stratégie a disparu, mais cela ne veut pas dire que la planification soit elle aussi obsolète. Un ensemble de plans opérationnels glissants à court terme peut s’avérer encore plus néfaste que de s’enfermer dans un objectif à long terme. Des plans sont bel et bien nécessaires, mais ils doivent être constamment évalués et adaptés au fil des évolutions de l’environnement. Dans certains cas, ils doivent être abandonnés.

La décision d’Apple d’entrer dans le secteur des paiements mobiles, le choix de GE de se départir de GE Capital, et le passage de Tesla à la production de batteries représentent tous des changements d’orientation importants, fondés sur une bonne compréhension des marchés.

Pour reprendre les mots du chef des technologies de l’information de Manulife, Joe Cooper, « la connaissance est un différenciateur du XXe siècle ».

Au XXIe siècle, les connaissances sur le passé sont omniprésentes (Google sait tout), et l’avenir est largement imprévisible. Par conséquent, la capacité à être agile – à ressentir, décider et agir rapidement – remplacera la stratégie comme facteur clé de succès organisationnel à l’avenir.

 

  • L’auteur est président du comité dédié à la transformation numérique de l’entreprise chez Cisco et professeur en innovation et gestion stratégique de l’information à l’International Institute for Management Development ou IMD, une école de commerce basée en Suisse.

 

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Traduction par Hélène de Jaham

 

Crédit photo : Daniel Kulinski
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